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POURQUOI LIRE LES SUTTA ?
Les sutta représentent la source fondamentale des enseignements du bouddhisme Theravāda, le Theravāda étant le bouddhisme le plus ancien connu et constituant la colonne vertébrale de toutes les écoles bouddhiques authentiques ; à ce titre on peut légitimement dire que c’est l’école la plus répandue.
Il n’est pas nécessaire de se demander si les Sutta rapportent exactement les paroles du Bouddha historique, personne n’est de toute façon en mesure de l’affirmer ou de l’infirmer. Il suffit de garder présent à l’esprit que les enseignements des Sutta ont été pratiqués, souvent avec succès, par d’innombrables disciples au fil des siècles depuis environ 2 600 ans. Si l’on désire véritablement savoir si les enseignements fonctionnent il est nécessaire d’étudier les Textes et de les mettre en pratique. Ils présentent en effet un ensemble complet et cohérent offrant un guide permettant au disciple de partir du niveau où il se trouve, quel que soit ce niveau (sceptique, dilettante, laïc dévot, moine ou nonne) et d’accéder à la maturité spirituelle. Au fur et à mesure du parcours le pratiquant s’apercevra qu’il lui est de moins en moins utile d’emprunter à d’autres traditions spirituelles car les Sutta contiennent tout ce qui est nécessaire à la délivrance de l’insatisfaction existentielle (dukkha). Le Bouddha dit à cet effet : « De même que l’océan ne possède qu’une saveur, celle du sel, mon Enseignement ne possède qu’une saveur, celle de la délivrance. ».
Au cours des lectures il sera fréquent de rencontrer des enseignements qui remettront en question, voire contrediront, notre compréhension actuelle du Dhamma. Ces conflits apparents ne sont pas des incohérences dans les Sutta mais un signe que les Textes en question nous ont entraînés à la limite de notre compréhension. En contemplant ces obstacles et en y réfléchissant profondément les conflits vont se résoudre et de nouveaux horizons se dévoiler.
QUELS SUTTA LIRE ?
Chaque Sutta ne représente que l’une des multiples facettes du Dhamma, tous les Textes étant interdépendants dans leur construction d’une image complète de l’Enseignement du Bouddha. Il est par conséquent possible de débuter par les Sutta de son choix. Néanmoins, dans un premier temps, tout étudiant sera avisé de réfléchir sur les cinq préceptes (pañca sīla) et les « thèmes de fréquente contemplation » (abhiṇha paccavekkhana pātha). Dans le cadre d’une pratique saine il est également conseillé de contempler l’enseignement contenu dans le Ambalaṭṭhikārāhulovāda Sutta, les Conseils à Rāhula (Majjhima Nikāya, Bhikkhu Vagga, 1), texte dans lequel le Bouddha exhorte son fils Rāhula, alors novice âgé de sept ans, à observer le précepte de véracité et à pratiquer la vigilance dans toutes ses actions intentionnelles.
Afin de posséder une solide base, trois Sutta sont considérés comme essentiels :
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- Dhammacakkapavattana Sutta, le Sermon de la « mise en action de la Roue de la Loi » (Samyutta Nikāya, Mahā Vagga, Saccasaṁyutta, 11).
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- Anattalakkhana Sutta, le Sermon sur l’Impersonnalité (Saṁyutta Nikāya, Kandhā Vagga, 59).
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- Adittapariyaya Sutta, le Sermon sur le Feu (Saṁyutta Nikāya, Salāyatana Vagga, 28).
Ces trois discours définissent les thèmes fondamentaux des enseignements du Bouddha qui réapparaissent sous diverses formes à travers tout le Canon. Dans ces Textes on retrouve principalement : les quatre Vérités nobles, la nature de dukkha, le noble Sentier aux huit branches, la « Voie du milieu », la « roue » du Dhamma, le principe d’anattā (impersonnalité) et l’analyse du « moi » en « cinq agrégats », le principe d’abandon de l’attachement à la jouissance des sens.
En outre, les trois Sutta précédemment évoqués, comme en fait tous ceux qui sont attribués au Bouddha, démontrent de façon magistrale son habileté pédagogique. Il organise ses exposés de manière claire, logique et aisément mémorisable, en utilisant des listes, il engage son auditoire dans un dialogue actif afin de les éveiller aux failles dans leur compréhension, il use d’images et de comparaisons accessibles à ceux qui l’écoutent. De manière plus significative encore, il communique si efficacement avec ses auditeurs qu’ils deviennent capables de récolter eux-mêmes les résultats transcendants qu’il promet si la pratique est effectivement suivie.
En raison même de toutes ces caractéristiques la lecture régulière des Sutta affermit notre foi raisonnée (saddhā) dans la pratique et les fruits proclamés et nous incite à plonger encore plus avant dans l’étude du Canon.
COMMENT LIRE UN SUTTA ?
Au cours de nos lectures nous devons constamment garder à l’esprit quelques principes généraux ainsi qu’un certain nombre de questions permettant de situer le Sutta par rapport à notre condition présente, notre pratique et notre but.
Principes généraux
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- Il n’existe aucune traduction définitive d’un Sutta.
- Aucun Sutta ne contient tous les enseignements.
- Il est vain de chercher à savoir si un Sutta rapporte exactement les paroles prononcées par le Bouddha.
- Si l’on est rebuté par un Sutta il faut le mettre de côté provisoirement et le relire plus tard, jusqu’à ce qu’il évoque une réponse et qu’il soit signifiant pour notre pratique.
- Un bon Sutta est celui qui incite à en abandonner la lecture. Puisque le but de la lecture des Sutta est d’inspirer à développer une vue correcte, à vivre une vie de qualité et à méditer efficacement, si l’on ressent la nécessité de poser le livre et d’essayer immédiatement, le Sutta aura rempli son office.
- Lire un Sutta à voix haute du début à la fin est une bonne pratique.
- Essayer de remarquer les différents niveaux d’enseignement du Sutta, en contemplant la façon dont le Bouddha dans son exposé utilise lui-même et met en application ce qu’il prône.
- Ne pas sauter les répétitions même si elles paraissent ennuyeuses et lourdes. Elles possèdent souvent de légères variations qu’il ne faut pas négliger.
- Discuter du Sutta avec un ami sur la Voie ou un membre de la Communauté monastique.
- Apprendre un minimum de pāli afin de creuser les différentes acceptions des mots, leur étymologie, pour être à même de comprendre et jauger les différentes traductions proposées par les auteurs.
- Lire ce que les commentateurs, anciens ou modernes, ont écrit à propos du Sutta.
- Offrir au Sutta le temps de la maturation. Un Sutta n’est pas une énigme à résoudre sur le champ, il peut se révéler sous ses différents aspects longtemps après sa lecture.
Les questions en filigrane
Les Sutta ne constituent pas un livre de recettes. Il faut bien comprendre qu’en lisant un Sutta on jette un œil (ou une oreille) sur ce que le Bouddha est en train d’enseigner à quelqu’un d’autre. Il a constamment adapté ses exposés aux besoins de l’auditoire concerné et les Textes font référence à des situations réelles ; il est par conséquent fondamental d’estimer si la situation des auditeurs du Sutta est similaire à la nôtre afin de juger si ce Sutta nous est nécessaire et d’appliquer au mieux les injonctions du Bouddha.
Les questions suivantes ne sont pas destinées à nous transformer en exégètes mais simplement à utiliser le Sutta comme une parole vivante adaptée à notre vie.
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- Quel est l’environnement du Sutta ? Le lieu, l’époque, la saison, les évènements préludant à l’exposé, etc. ?
- Quelle est l’histoire et son importance dans l’exposé ?
- Qui est à l’origine du Sutta ? Le Bouddha lui-même, une question posée, un débat ?
- Qui enseigne et quel est son niveau de réalisation ? Le Bouddha, un disciple laïc, un bhikkhu, un arahanta ?
- À qui les enseignements sont-ils destinés ? Un moine, une nonne, un disciple laïc, les suivants d’une autre tradition religieuse ? Quel est leur niveau de compréhension et de réalisation spirituelle ?
- Quelle est la méthode de présentation des enseignements ? Un exposé formel, un ensemble de questions-réponses, la relation d’une histoire ancienne, un verset ? La méthode d’enseignement fait-elle partie intégrante du message enseigné ?
- Quel est l’enseignement essentiel du Sutta ? Quelle est sa place dans l’édifice général, et comment s’insère-t-il dans notre propre pratique ?
- Comment le Sutta se termine-t-il ? Les auditeurs sont-ils satisfaits, atteignent-ils un certain niveau de réalisation ?
- Qu’est-ce que le Sutta peut nous offrir ? La question la plus importante demeurant celle-ci : quelle leçon pouvons-nous tirer de cet exposé ? Car c’est avant tout le cœur, et non l’intellect, qui doit être transformé.
D’après le site Internet : http://www.accesstoinsight.org
copyright M. H. Dufour, Les éditions des Trois Monts