LE MOINE OU BHIKKHU(en langage pali)
LE MOINE THERAVĀDA : VERS LA PERFECTION DU DON
VIE ET RÈGLES DE VIE DANS LA COMMUNAUTÉ MONASTIQUE
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LE MOINE THERAVĀDA : VERS LA PERFECTION DU DON
Le terme bhikkhu (littéralement « celui qui partage »), désigne un membre de la Communauté monastique bouddhique (Saṅgha), pleinement ordonné, vivant uniquement de ce qui est offert et observant les Préceptes définissant une vie de renoncement et de simplicité. Ce terme ne possède pas vraiment d’équivalent en français. Le mot « prêtre » ne doit jamais être utilisé pour un bhikkhu, la traduction la moins erronée reste « moine », le terme « bonze », issu du japonais « bozu », bien que souvent employé, est inadéquat.
Dans la continuité de la Communauté monastique originelle, la Communauté Theravāda demeure un ordre de charité. Les bhikkhu sont totalement dépendants de la générosité continue des laïcs pour leur subsistance, les laïcs offrant ce qu’on nomme les « quatre nécessités » (nissaya ou paccaya sannissita), les objets essentiels à la vie du moine, comprenant : les vêtements monastiques (cīvara ou ticīvara), le bol à aumônes (patta) permettant de recevoir la nouriture, le logement (senasāna), les remèdes (bhesajja).
Ils ne sont pas autorisés à utiliser de l’argent et ne peuvent manger que ce qui est offert. Les moines et les nonnes bouddhistes (bhikkhunī) ne sont pas des mendiants au sens classique du terme. Un code de conduite strict régit la tournée du moine pour réunir sa nourriture (piṇḍapāta). Par exemple il n’est pas autorisé à faire du bruit, crier ou chanter pour attirer l’attention des gens. Il marche silencieusement, et, dans le cas des moines méditants, ayant présent à l’esprit le sujet de méditation, et accepte tout ce qui lui est offert, l’important n’étant pas ce qui est offert mais l’attitude d’esprit au moment du don. Le moine doit être satisfait de tout ce qui lui est donné, considérant la nourriture comme médicament permettant à la continuité esprit/corps de se maintenir.
Ces règles, parmi d’autres tout aussi fondamentales, furent instaurées par le Bouddha pour, entre autres raisons, créer un lien d’interdépendance empêchant la Communauté de s’isoler de la société, comme cela fut le cas dans de nombreuses traditions monastiques, en Orient comme en Occident.
Les Enseignements du Bouddha s’adressent à tous. Personne n’a jamais été empêché de devenir bouddhiste en raison de son sexe, de sa race ou de sa couleur. La décision de rester laïc ou de devenir moine, ou nonne, ne dépend en fait que du choix personnel du pratiquant bouddhiste, et des circonstances dans lesquelles il se trouve. Le bénéfice que chaque catégorie retire de l’autre est mutuel : le laïc offre les vêtements, la nourriture, le logement et les remèdes au moine, et cela lui permet de subsister. En Thaïlande, par exemple, on peut assister à l’offrande de la nourriture vers six ou sept heures tous les matins, mais les vêtements, le logement et les remèdes sont offerts à d’autres occasions.
De leur côté les moines et les nonnes, donnent quelque chose de plus précieux au laïc : l’Enseignement (Dhamma) tel qu’ils l’ont étudié, pratiqué et compris. Ainsi les laïcs bouddhistes peuvent-ils facilement trouver conseil et aide dans un monastère auprès d’un des maîtres présents ou peut-être d’un fils, d’un oncle ou de tout autre parent qui pratique soit de façon permanente, soit temporairement, en tant que novice, moine ou nonne. Et ainsi un équilibre est-il maintenu, chaque groupe offrant à l’autre ce qui lui est nécessaire pour vivre.
LES RÈGLES COMME MOYEN DE LIBÉRATION
Les moines et les novices possèdent des ensembles de règles pour les guider dans leur vie, règles résumées dans un ouvrage, le pātimokkha, comprenant les 227 règles fondamentales. Ce texte est récité les jours de pleine et de nouvelle lune (uposatha) en présence de tous les moines résidant à ce moment au monastère.
Ces règles, étant volontairement observées comme méthodes de discipline personnelle, peuvent être tout aussi volontairement abandonnées, lorsque par exemple un moine redevient novice ou retourne à la vie laïque. C’est une pratique courante parmi les laïcs que de passer un certain temps comme novice ou moine (cette dernière ordination n’étant conférée qu’à ceux qui ont plus de vingt ans). Généralement cela se passe lorsque les études sont terminées, avant de s’engager dans un métier, et pour une période de trois ou quatre mois, approximativement de juillet à octobre ou novembre. Cette période, pendant laquelle les moines doivent résider dans un monastère, est appelée la « retraite de la saison des pluies » (vassa). Elle est consacrée à l’étude ou à la pratique de la méditation de façon plus intensive. Lorsque cette retraite est terminée les moines peuvent se rendre dans d’autres monastères ou dans la forêt, selon leur désir, à moins qu’ils ne soient encore des « nouveaux » moines sous la responsabilité de leur Maître.
Dans l’Ordre bouddhiste les moines ne doivent ni posséder d’argent ni avoir un contrôle sur celui-ci, et ainsi observent-ils la « pauvreté » dans le sens du monachisme chrétien. En tant que moines ils doivent, bien entendu, s’abstenir de toute sorte de rapport sexuel, ainsi observent-ils la « chasteté ». Mais ils ne sont pas soumis à la règle de l’ »obéissance » aveugle, bien qu’ils aient des obligations en tant que disciples d’un Maître, et tout bon moine les suit strictement. Lorsqu’après au moins cinq ans ils possèdent savoir et expérience et une bonne connaissance de leurs règles, ils sont libres de voyager où bon leur semble, à la recherche de Maîtres de valeur ou pour pratiquer dans la solitude.
Parmi les nombreux préceptes du Code du moine il en existe quatre pour l’infraction desquels il est expulsé de l’Ordre sans jamais avoir la possibilité de redevenir moine dans cette vie. Ces quatre règles sont :
- ne jamais avoir de relation sexuelle
- ne jamais tuer délibérément un être humain, ou ordonner à d’autres de tuer
- ne jamais prendre ce qui ne lui appartient pas avec l’intention de le posséder
- ne jamais se prévaloir indûment de tout accomplissement spirituel (le moine est excusé s’il est malade mental, orgueilleux ou pas sérieux)
Les véritables possessions du moine sont très réduites, et il doit considérer tout autre objet comme un prêt que lui fait l’Ordre. Il n’a que huit biens indispensables :
- vêtement (genre de toge) du dessus à double épaisseur, pour la saison froide ou porté lors d’occasions formelles (saṅghāṭī)
- vêtement du dessus à simple épaisseur (uttarāsaṅga)
- vêtement monastique utilisé comme sous-vêtement, enroulé autour de la taille (antaravāsaka)
- une ceinture pour le vêtement de dessous (kāyabandhana)
- un bol pour recueillir sa nourriture (patta)
- un rasoir (vāsi)
- une aiguille (nécessaire à couture) pour réparer ses vêtements (sūci)
- un filtre à eau, pour ôter les êtres vivants de son eau afin que ni lui ni eux ne soient blessés (parissāvana)
Le moine peut également utiliser une étoffe couvrant le thorax et découvrant l’épaule gauche (añsa), une pièce de tissu rectangulaire pour s’asseoir (nisīdana), et quelques autres pièces de tissu à usage divers.
Quant à ses devoirs ils sont simples mais difficiles à remplir. Il doit s’efforcer d’acquérir un vaste savoir et une profonde compréhension de tout ce que son Maître, l’Eveillé (le Bouddha), a enseigné. Il doit pratiquer l’Enseignement, observer la Vertu, renforcer la Vigilance, et développer la Sagesse. Il comprendra alors les Enseignements du Bouddha selon ce qu’il en aura pratiqué. Et enfin, en fonction de ses capacités et ses inclinations, il pourra enseigner, soit par son propre exemple, soit en prêchant ou encore en écrivant des livres.
Les voeux perpétuels n’existent pas dans le bouddhisme, en respect du principe de non-permanence et de la liberté individuelle de choix. Si le processus d’ordination est complexe, dans ses conditions exigées et son déroulement, le retour à l’état laïc est une formalité relativement simple. Il est possible de quitter la Communauté monastique et d’y revenir à tout moment, certains effectuant cet aller-retour plusieurs fois, ce qui ne traduit pas spécialement un état d’esprit positif. Dans les pays d’obédience Theravāda la population monastique est très élevée en raison des nombreuses ordinations temporaires ou « de circonstance » ; néanmoins les Maîtres de valeur ne confèrent pas l’ordination majeure à la légère, l’engagement dans la voie du bhikkhu nécessitant des conditions rigoureuses.
Bien que largement moins développée que la Communauté des moines (essentiellement pour des raisons historiques), la Communauté des nonnes existe. A l’époque du Bouddha de nombreuses nonnes étaient parvenues à des états élevés de réalisation (lire à ce sujet les Therīgāthā – les Stances des Anciennes dans la Communauté – dans le Canon pāli), exemplifiant ainsi la parfaite égalité des sexes sur le plan spirituel. Dans certains pays Theravāda, et même en Occident, des structures se mettent en place peu à peu pour favoriser un nouveau développement de la communauté féminine.
© M. H. Dufour, éditions de l’Harmattan