Bhāra sutta

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L’attachement à la personnalité

Bhāra Sutta (le fardeau du moi) [1]

L’être humain se trouve, antérieurement à l’Éveil, dans la même situation que Sisyphe [2], condamné à répéter de manière compulsive les mêmes actions et les mêmes attitudes mentales néfastes.
Dans le Bhāra Sutta le Bouddha explique de façon très simple que la charge sous laquelle nous succombons, et qui est génératrice de toutes les souffrances, n’est en fait que l’attachement à l’illusoire personnalité constituée de cinq facteurs, les « cinq agrégats » [3]. C’est l’appropriation de ces cinq agrégats, l’identification à ces divers facteurs, qui nous occulte la perception directe de la réalité et l’accession au soulagement du nibbāna. Dans l’Enseignement du Bouddha il n’existe pas de lien plus fort que celui de l’illusion du moi (sakkāya diṭṭhi), la première des dix entraves nous enchaînant au cycle de la souffrance existentielle, et la plus difficile à déraciner. Ce lien se caractérise par l’attachement au mental-corps, fondé sur l’attachement aux cinq agrégats, le considérant comme « mien », comme quelque chose existant indépendamment. Or ces agrégats constituent un ensemble non permanent et impersonnel constitué d’éléments eux-mêmes non permanents et impersonnels. Aucun de ces éléments, pris individuellement ou collectivement, ne peut constituer une entité immuable, cette entité ne pouvant en outre être découverte en dehors des cinq agrégats.
Ce Sutta est en quelque sorte un résumé éclair des Vérités nobles; le Bouddha les reprend en les reformulant ainsi :

  • quel est le fardeau? (détermination de la source de l’insatisfaction)
  • qu’est-ce qui entretient (porte) le fardeau? (reconnaissance de la source de l’insatisfaction)
  • quel est l’abandon du fardeau? (reconnaissance de la cessation de l’insatisfaction).

Ceci correspondant à la prise de conscience de la présence de la souffrance existentielle, de sa cause, de la possibilité de la cessation de cette souffrance ainsi que de la reconnaissance d’un état au sein duquel cette souffrance existentielle n’existe plus : le nibbāna. Ces quatre nobles Vérités ayant été exposées à de nombreuses reprises par le Bouddha et tout spécialement détaillée dans le Dhammacakkapavattana Sutta, son tout premier discours après son Éveil.
En conclusion il déclare :

« Vraiment les cinq agrégats constituent le fardeau,
l’individu est celui qui le porte,
le portage du fardeau dans le monde est dukkha,
l’abandon du fardeau constitue le bonheur.Si quelqu’un abandonne ce pesant fardeau,
sans en reprendre un autre,
la  » soif  » déracinée
la faim s’apaise, et il s’éteint complètement. »

« bhârâ bhave pañcakkhandhâ
bhârahâro ca puggalo,
bhârâdânam dukkham loke
bhâranikkhepanam sukham.nikkhipitvâ garum bhârah
aññam bhâram anâdiya,
samûlam tanham abbuyha
nicchâto parinibbuto. »

Petite leçon de Pâli

Afin de familiariser le lecteur à la métrique pāli ainsi qu’à la concision de cette langue, nous donnons ci-après la traduction interlinéaire du passage précédent.

bhârâ – bhave – pañcakkhandhâ
fardeau – naître – cinq constituants
bhârahâro – ca – puggalo
celui qui porte le fardeau – et – individu
bhârâdânam – dukkham – loke
présent du fardeau – générant la souffrance – dans ce monde
bhâranikkhepanam – sukham
déposer le fardeau – bien-être
nikkhipitvâ – garum – bhâram

ayant déposé – pesant – fardeau
aññam – bhâram – anâdiya
un autre – fardeau – ne pas prendre
samûlam – tanham – abbuyha
racine – convoitise – arraché
nicchâto – parinibbuto
n’ayant plus faim – totalement éteint.

Notes

[1] Situation dans le Canon pāli : Saṁyutta Nikāya, Khandha Vagga, 22.
Traduction française : Les entretiens du Bouddha, Môhan Wijayaratna, Le Seuil, Points Sagesse, 2001, p. 187.

[2] Roi légendaire de Corinthe qui fut condamné pour ses crimes aux Enfers, à faire rouler un rocher sur la pente d’une montagne mais qui retombait toujours avant d’atteindre le sommet.

[3] Ensemble non permanent et impersonnel constitué d’éléments eux-mêmes non permanents et impersonnels. Le terme « agrégat » peut traduire le concept de khandha, constituants psychophysiques (au nombre de cinq) de l’être humain existentiel, de l’entité conventionnelle appelée une « personne », classifiés en agrégat matériel (rūpakkhandha) et agrégats non matériels (nāmakkhandha).

En termes simples ces agrégats constituent l’ensemble « corps-esprit » :

  1. rūpakkhandha, agrégat de la matière
  2. vedanākkhandha, agrégat de la sensation
  3. saññākkhandha, agrégat de la perception, de l’appréhension
  4. saṅkhārakkhandha, agrégat des formations (mentales)
  5. viññāṇakkhandha, agrégat de la (des) conscience(s) discriminative(s).

copyright M. H. Dufour, Les éditions des Trois Monts

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